Rénovation de l’haussmannien parisien : un défi impossible ?

Préserver ou rénover ? La question se pose pour l‘haussmannien parisien. Si la plupart des immeubles de la capitale sont de véritables passoires thermiques, les défenseurs du patrimoine s’opposent à une rénovation qui entraînerait la mort du célèbre “toit en zinc” et du typique bâti haussmannien de Paris.

L’haussmannien : une architecture unique… Et très énergivore

Un savoir-faire ancestral…

L’affaire n’est pas nouvelle. Cela fait maintenant depuis 2014 que les couvreurs-zingueurs de Paris bataillent pour faire reconnaître leur savoir-faire ancestral au Patrimoine Mondial de l’UNESCO. 

C’est notamment à eux qu’on doit la préservation de l’esthétique des toitures des immeubles haussmanniens de Paris, ces fameux “toits en zinc” caractéristiques des bâtiments de la capitale.

Défi presque réussi, car cette fois-ci, le ministère de la Culture a décidé de faire passer leur candidature en 2024 (c’est la fameuse baguette traditionnelle française qui avait été préférée durant la précédente session).

… Mais non adapté aux enjeux écologiques

Si la maîtrise des couvreurs rentre au patrimoine Mondial, c’est évidemment le rayonnement de Paris et par extension de toute la France qui en bénéficiera… Mais à quel prix ? 

Car la question se pose au vu des immenses enjeux environnementaux qui agitent la sphère politique française et internationale. 

Et pour cause : les toits en zinc représentent une véritable aberration d’un point de vue climatique, d’après Franck Lirzin, ancien conseiller d’Emmanuel Macron à Bercy, dans son essai “Paris face au changement climatique”, paru l’année dernière.

Ce type de toiture n’est, en effet, pas du tout adapté à la hausse des températures et aux canicules à répétition :

« Ils ne sont pas adaptés aux fortes chaleurs et deviennent un four lors des canicules ».

  • Vincent Viguié, chercheur au Centre international de recherche sur l’environnement et le développement (Cired).

Un bâti énergivore dans sa totalité

Malheureusement, le problème ne s’arrête pas là. Ce ne sont pas seulement les toits qui sont impactés par les enjeux écologiques, mais bel et bien l’ensemble du bâti haussmannien, soit un tiers du bâti total de la capitale !

Or, préserver ces vieux immeubles tels qu’ils sont va totalement à l’encontre de l’objectif de neutralité carbone lancé par le Gouvernement d’ici à 2050. 

Rappelons que le secteur du bâtiment est à lui seul à l’origine de 20 % des émissions de gaz effet de serre (GES) et de 40 % de la consommation énergétique totale de l’hexagone, d’après un rapport de la Cour régionale des comptes.

Préservation du patrimoine Vs transition énergétique : une bataille perdue d’avance ?

Une hausse des biens interdits à la location

Avec la nouvelle loi sur les passoires thermiques (logements dont l’étiquette énergétique va de F à G), de plus en plus de biens ont été éjectés du marché locatif.

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Ainsi, ces biens présentant une très grande consommation d’énergie à cause d’une isolation défaillante (combles, murs, sols, fenêtres ou portes) ou d’équipements de chauffage trop énergivores (vieille chaudière, poêle obsolète…) ne peuvent plus être loués aux particuliers.

Un renforcement des aides à la rénovation énergétique

Autre mesure qui ne va pas dans le sens des défenseurs du patrimoine parisien : le renforcement des dispositifs d’aides à la rénovation énergétique institué par le Gouvernement. 

En tête ? Le dispositif MaPrimeRénov’, une des aides majeures à la rénovation, qui a d’ailleurs évolué avec l’intégration de MaPrimeRénov’ Sérénité (anciennement “Habiter Mieux Sérénité”, un des ex-programmes phares de l’Anah).

Mais d’autres subventions peuplent également le paysage des aides. Ainsi, différents prêts bancaires peuvent être accordés aux particuliers (éco-PTZ, prêt Avance Rénovation), de même que des primes (les fameuses primes CEE). Un taux de TVA réduit s’applique également sur certains travaux.

Par ailleurs, Bruno Le Maire avait déclaré dès juillet 2023 que les particuliers pouvaient désormais utiliser leur PEL afin d’effectuer des travaux de rénovation énergétique.

Mais une défense farouche d’un patrimoine unique

En dépit de toutes ces mesures, il faut compter sur les défenseurs du patrimoine culturel parisien pour qui les immeubles haussmanniens doivent rester intouchables.

Avec eux, la réglementation, très stricte, concernant les édifices de ce mouvement architectural à propos desquels tout travaux ne peut pas être fait.

 « Il existe un blocage culturel à ce sujet », regrette Vincent Viguié.

Créer l’haussmannien du futur : quelles alternatives ?

Bruno Bouchaud, architecte et fondateur de l’agence Bouchaud Architectes, l’affirme : “Aucun besoin d’isoler par l’extérieur un bâtiment haussmannien, qui est très bien conçu » et 

met l’accent sur toutes les solutions déjà existantes pour corriger les failles du bâti (menuiseries extérieures, toits, combles) :

  1. une isolation efficace ;
  2. le recours au double, voire au triple vitrage ;
  3. le remplacement des appareils de chauffage trop gourmands en énergie par des équipements éco-performants.

Par ailleurs, il existe, selon lui, d’autres solutions qui pourraient tout à fait être mises en œuvre (même si elles ne sont pour l’instant que des prototypes) :

  • recouvrir le zinc avec des velums une partie de l’année ;
  • végétaliser les terrassons (la partie supérieure de la toiture). 

« Cela ne dénaturerait pas l’immeuble depuis la rue […] on y verrait un Paris végétalisé. » avance l’architecte.

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